lundi 12 mars 2012

HOMMAGE D UN COMPAGNON DE ROUTE

ADIEU MONOD

Jean L. Theagene
« Le livre de la vie est un livre suprême
Que l’on ne peut ni fermer ni ouvrir à son choix
L’on voudrait revenir à la page que l’on aime
Et la page où l’on meurt est déjà sous ses doigts »
                                                     A. de Lamartine

Revenu des funérailles de ma tante à Ottawa, j’allume mon ordinateur pour apprendre avec amertume la nouvelle de la mort de mon frère de combat, ce compagnon de route, le Colonel Monod Philippe. Et je m’en veux de ne pas pouvoir lui rendre un dernier hommage en défilant devant ses restes, lui, qui a laissé son empreinte sur l’Histoire Haïtienne de ces cinquante dernières années en défendant son appartenance politique et en refusant de céder aux chants de sirène des bonimenteurs de foire.
 Monod Philippe, ce séquoia géant d’Haïti est tombé, non les armes à la main en plein soleil de midi, mais sur un lit d’hôpital. Et le sage a quitté la vie avec autant de décence qu’il se retire d’un festin. Mais ce qu’on n’oubliera jamais, ce sont la solidarité de classe de l’homme, les largesses de ce militaire nettement différent des autres et le nationalisme convaincant du citoyen prêt à faire le coup de feu quand la Patrie est en danger. Aujourd’hui, que sa mort a racheté ses fautes terrestres, qu’il a rejoint le Nirvana des militaires qui ont le courage d’aller jusqu’au bout de leurs idées, les Maxime Antoine, Grégoire Figaro, Claude Raymond, Aurel Frédéric, Henri Max Mayard, Georges Valcin, Isidore Pognon, Gambetta Hyppolite, Dumarsais Romulus, Eric B. Lamour, Albert Pierre, Paul Rosny Casimir, Sergent Ravix, et tous les autres anonymes tombés pour une Haïti plus juste et plus humaine, que reste-t-il de cette phalange d’hommes qui, hier encore, faisait la fierté de notre armée ? Rien que des fossiles et des scories.
Alors, faudra-t-on penser à remonter le cours de l’histoire, à scruter ses profondeurs et rectifier les erreurs de ceux qui prétendaient jeûner, prier, veiller pour que vînt le 7 Février 86 afin de mieux créer des affluents capables de fertiliser le sol de la Patrie meurtrie, avilie. Mais tant qu’on ne nous aura pas proposé quelque chose de mieux pour la fierté et la sécurité réelle de cette Nation que nous aimons tous, malheureusement à notre façon, au sous-produit dégradé de cette Armée, nous serons obligés d’opposer la cuvée raffinée des disparus capable de nous enivrer pour nous faire oublier ces parenthèses d’histoire indignes d’un peuple qui a fait 1804.
 Monod Philippe, dont l’amitié, la sincérité allaient à tous ceux qui les méritaient, fussent-ils les plus humbles de nos compatriotes, après avoir payé très cher sa convivialité native, sa solidarité spécifique envers sa famille politique est parti compter les étoiles du Ciel pour s’en revenir après. Rejoignant avec sérénité la maison du Père, lui, qui n’a jamais été au banquet des fauves pour partager les dépouilles de l’Héritage sacré, n’aura pas le privilège de voir la Nation se débarrasser des déchets toxiques qui ont l’absurde don de renvoyer l’Être au Néant . Je remercie le destin de m’avoir mis un jour en présence d’un tel Être qui à certains points de vue me rappelait trop mon père. Un être rectiligne, hospitalier, généreux, sociable et hautement moral. Pour sa famille, sa communauté, son ethnie et sa race, il reste un Météore embrassant les vertus morales de son patelin et de sa génération.
Pars en paix, Monod, et dis-toi que ces  propos ne sont guère un hommage tardif à un être de chair racheté par la mort mais plutôt un cri d’indignation d’un haïtien authentique, d’un ami, d’un frère qui,  avec tant d’autres compatriotes, impuissant, te regarde partir sans les honneurs dus à ton rang. L’Histoire, vieux frère, dans un avenir pas trop lointain se chargera d’interpeller ces vendeurs de chimères, ces militaires à la manque, ces saboteurs de destins et ces démolisseurs de Patrie. Tout en partageant la profonde tristesse affligeant  la famille de cet originaire de la Grand-Anse qui, toute une vie durant, avait placé son mot dans la sébile de l’Histoire Nationale, je présente mes sincères condoléances.

Miami, le 12 Mars 2012, 4 :17 AM
Dr Jean L. Théagène
Président de L’Union Nationale
Des Démocrates Haïtiens 











1 commentaire:

  1. Mr Theagene votre temoignage si eloquent envers notre pere ravivera a jamais sa memoire. Certains hommes ont le courage de souligner les grandes vertus et forces souvent garder dans l'ombre.
    Au nom de toute la Famille
    Merci

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