lundi 19 mars 2012

FATALITÉ, Ô FATALITÉ




“Une fleur desséchée est toujours une fleur


Qui même emprisonnée dégage le bonheur »




Samedi, 18 Mars 2012, une journée haïtienne comme les autres ! Un cortège serré conduit à sa demeure la bière du Colonel Monod Philippe, un Homme pour l’éternité. Dans l’évidence de la tristesse qui imprègne les membres de la famille, dans le doute cartésien qui interpelle les consciences accompagnatrices, Maman Lise partait rejoindre son fils, indifférente au faste de circonstance et à la somptuosité du rituel d’occasion. Au terme d’une journée bien remplie au cours de laquelle elle sut garantir un espace immense à l’étoile qu’elle avait longtemps porté en gestation, elle s’est endormie souriante, avec en toile de fond, ce mince filet de regret contenu qui marque les visages d’insatisfaction.


Romain Rolland disait quelque part : « A mesure que l’on vit, à mesure que l’on crée à mesure que l’on aime et qu’on perd ceux qu’on aime, on échappe à la mort. A chaque nouveau coup qui nous frappe, à chaque œuvre qu’on frappe, on s’évade de soi, on se sauve dans l’œuvre qu’on a créée, dans l’âme qu’on aimait et qui nous a quittés. A la fin, Rome n’est plus dans Rome ; le meilleur de soi est en dehors de soi ».




Sans tambour ni trompette, Maman Lise a laissé sa vie de 103 ans, comme on jette une obole dans la sébile du mendiant. Ce faisant, elle ressemble à toutes les mères haïtiennes qui se laissent glisser dans le néant après avoir, en souveraine incontestée, occupé tout l’espace de leur maternité constamment douloureuse. Moi, pour n’avoir pas eu la chance de connaître les douceurs de cette maternité que l’humanité a reçue en partage, je n’en mesure que mieux l’immarcescible profondeur. Et le vide que laissent des êtres aussi chers dans la vie de ceux qui restent se révèle difficile sinon impossible à combler. Je n’ai eu que mon père, certes tendrement aimé, mais parti en solitaire sur la barque de la mort. Les circonstances de la vie m’ont empêché d’être à son chevet au moment où la Parque lui faisait les yeux doux. Car l’exil, par la grâce de LAVALAS, m’a enlevé l’occasion de dire à ce Créateur humain, l’importance qu’il avait pour celui qu’il a contribué à créer, de toutes pièces, en le dotant de qualités et de défauts proprement humains. Puisse-t-il me pardonner cet impardonnable accroc fait à ma sensibilité d’Homme et de Fils !




Sans l’ombre d’un doute, je suis assuré qu’aucun mot ne pourra rendre aux enfants de Monod, petits enfants de Maman Lise, leur grand-mère. Ne dit-on pas que les grands-mères haïtiennes sont immortelles ? Et, en effet, elles le sont, poussière d’astres qui emplit nos poumons anémiés, fleurs de nos champs qui purifient l’air qui nous entoure malgré les insanités jetées dans nos potions quotidiennes. Vous venez de perdre Celle qui passait ses bras sur vos épaules en vous disant Courage à chaque fois que vous intimidaient les spectacles morbides de la vie. A mon tour de vous dire « SOYEZ FORTS », car c’est maintenant que s’ouvre votre parenthèse à vous sur ce que l’Autre appelle un « surcroît d’humanisme »



C’est Bussy Ra butin qui s’exclamait au spectacle poignant d’un décès royal : « La mort des souveraines est un sermon. Quand je vois mourir une Reine, je me console de n’être pas immortel ». Puisse, Maman Lise, trouver dans l’entourage de l’Être Suprême, la récompense promise à tous ceux qui se sont bien acquittés de leur mission temporelle !



Miami, le18 Mars 2012

Dr Jean L. Théagène 
Président de l'UNDH
(Union Nationale des Démocrates Haïtiens)
                                  

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